jeudi 5 février 2009

Polémique en haut lieu.

Cela devait arriver ! Une polémique au Vatican et qui c’est qu’on appelle ? Le catho de service !

Alors bon, faisons un peu le point sur cette fâcheuse affaire qui déchire en ce moment l’Eglise.

(Vous remarquerez au passage à quel point les médias et en général les gens, aiment les histoires de conflits, surtout les conflits internes. On ne reparlera pas des batailles de chefs au PS, des tirages de maillots au gouvernement ou des taclages à l’Assemblée, mais quand même…)

Peu importe, la polémique dont on parle actuellement revêt un caractère particulier, d’une part parce qu’elle touche l’Eglise, et que les religions ont toujours été un sujet délicat, d’autre part parce que la tournure qu’elle prend n’est pas sans rappeler une autre polémique, celle des soupçons qui ont pesé sur Pie XII lors de son pontificat. Ce n’est pas le sujet et je ne compte pas développer sur ce point, cependant il est bon de le garder à l’esprit.

Revenons sur les faits.

Samedi 24 Janvier, le Vatican rend officiel la décision du Pape de lever le décret d’excommunication des quatre évêques lefebvristes. Cet acte hautement symbolique, s’inscrit toutefois dans la ligne adoptée par Benoit XVI depuis le début de son pontificat. Logique pour certains, goutte d’eau pour d’autres, la nouvelle suscite de vives réactions.

Face à cette nouvelle, un chrétien lambda (comme moi) devrait pourtant se réjouir de l’unité retrouvée de l’Eglise, surtout à l’époque ou l’œcuménisme est autant à la mode que l’ouverture (encore un petit parallèle bien déplacé, ca c’est fait…).
Mais non, rien n’y fait, le feu est mis aux poudres, et la polémique de prendre de l’ampleur, allégrement relayée par les médias qui voient en elle une manne commerciale extraordinaire.

Distinguons le fond de la forme.

Le fond.

Depuis le début de son pontificat, Benoit XVI est animé par l’unique envie de redonner son unité à l’Eglise. Vaste programme tant les susceptibilités sont nombreuses, mais le jeu en vaut la chandelle, et après tout n’est-ce pas son devoir ?

Deux étapes, un piège. Voila le parcours qui attend notre souverain pontife.

Etape 1 : Redonner légitimité et liberté de culte à une part marginale de l’Eglise. Il s’agit de la branche traditionnaliste, fidèle à l’Eglise, à l’infaillibilité pontificale et à la souveraineté du Vatican, mais revendiquant l’autorisation de célébrer le rite tridentin, qui consiste à dire la messe en latin, le prêtre tournant le dos aux fideles, notamment.
Rappelons que cette version de la messe avait été remplacée par la messe dite Paul VI, que nous connaissons actuellement, et qui a été mise en place lors du Concile Vatican II (1962).
Cette branche traditionnelle de l’Eglise porte également parfois le nom de Pie V, dont fait notamment partie la Fraternité Saint Pierre.

Etape 2 : Réintégrer à l’Eglise un autre appendice, aux tendances liturgiques similaires (au risque de heurter certaines sensibilités, je ne compte pas rentrer dans les détails). Toutefois cet appendice là ne fait plus partie de l’Eglise depuis l’excommunication de ses membres prononcée en 1988 à la suite de l’ordination par Mgr Lefebvre de quatre évêques malgré l’interdiction du Saint Siège. (Plus de détails
ici)
Cette entité schismatique porte le nom de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, et ne reconnait plus l’autorité du Vatican, mais celle d’Ecône, son nouveau siège (en Suisse).

Piège : Ne pas tomber dans le déni du concile Vatican II, lors qu’Ecône s’est enfermé dans son rejet et l’accuse de tous les maux.

Nous nous trouvons donc sur un terrain hautement miné, le Pape souhaitant rétablir l’unité de l’Eglise en assurant la «continuité entre Vatican II et la tradition vivante de l’Eglise catholique».

La première étape fut un succès. Le Pape a habilement mené sa barque, en faisant d’abord célébrer une messe en latin dans la basilique St Pierre, puis en affirmant « l’existence d’un seul rite sous deux formes - ordinaire et extraordinaire – égales en droit », tout en répétant « le rejet d’une célébration exclusive de la liturgie traditionnelle » afin de ne pas heurter le lobby progressiste et ne pas s’afficher en rupture avec le concile Vatican II et l’affirmation de la messe Paul VI.
A partir de là, les prêtres qui le souhaitaient pouvaient célébrer en latin où ils voulaient et ne pouvait plus se le voir interdire par leur évêque de tutelle.

Sans faute Benoît !

La deuxième étape pose davantage de problèmes, et c’est là que se pose la question de la forme, sur laquelle Benoit XVI a, je pense, failli.

Mon propos serait de dire que la polémique actuelle résulte d’une part d’un manque de diplomatie de la part du Vatican, et d’autre part de la mauvaise foi d’une partie des fidèles qui ne cherchent qu’à profiter d’un faux pas pour détourner le débat sur un tout autre terrain.

Le débat théologique qui devrait tenir le haut du pavé et faire les gros titres n’a toujours pas débuté. Au lieu de ça, nous assistons à une guerre interne de forme et d’éthique, qui, si elle peut paraitre légitime sous certains aspects (je parle notamment des propos de Mgr Williamson sur lesquels je reviendrais), ne devrait cependant pas s’opposer à l’unité des chrétiens, tant les parties en présence semblent d’accord sur le fond.
(Je parle bien sûr ici du Vatican et des fidèles, et non de la FSSPX avec qui il est bien trop tôt pour affirmer être d’accord, et pour cause, le débat de fond n’a pas été entamé !)

La forme.

Le problème actuel, si j’ose dire, reste la forme !

En agissant de façon quelque peu hâtive et sans communication préalable, Benoit XVI a heurté et effrayé les fidèles de l’Eglise. Il a donné cette fausse impression de réintégrer à l’Eglise de façon immédiate et sans conditions la FSSPX et tous ses adeptes (fidèles devrais-je dire).
Ce que l’on peut certainement reprocher à Benoit XVI, c’est d’avoir agi dans le mauvais ordre, en levant l’excommunication des quatre évêques lefebvristes avant de publier son Motu Proprio dans lequel il précise bien que "La pleine reconnaissance du concile Vatican II est la condition indispensable à la reconnaissance future de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X".

Dans l’esprit de Benoit XVI, cette décision préalable n’était qu’un signal envoyé aux intégristes pour leur signifier que leur réintégration et reconnaissance par l’Eglise pouvaient désormais être envisagées, et qu’un débat théologique devait être engagé autour de la reconnaissance de l’autorité pontificale (ainsi que la reconnaissance des papes Paul VI, Jean-Paul 1er et Jean-Paul 2), et de la validité totale du concile Vatican 2.

En attendant une telle démarche, qui pourrait demander des mois de discussions, les quatre évêques "n'exercent licitement aucun ministère au sein de l'Eglise" et la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X à laquelle ils appartiennent "ne jouit, à l'heure actuelle, d'aucune reconnaissance dans l'Eglise catholique".

Sur ce premier point, je pense pour ma part que les fidèles de l’Eglise et évêques de tout rang sont montés un peu vite au créneau. Sans bien comprendre les intentions de Benoit XVI, ils n’y ont vu que le déni d’un concile réformateur, et ont pris peur.

Le deuxième point important est celui qui fait les gros titres en ce moment. Il s’agit de la polémique autour des propos négationnistes de Mgr Williamson.

Et là j’aurais souhaité à nouveau que les foules fassent preuve d’un peu plus de bon sens. Les propos de Mgr Williamson sont tout simplement inadmissibles, et que l’on soit chrétien, juif, musulman, athée, blanc, noir, jaune, vert ou rouge, on ne peut les accepter.

La question que je me pose maintenant est la suivante : Comment peut-on penser ou croire un seul instant que l’intention de Benoit XVI, Souverain pontife, écouté et reconnu par des centaines de millions de personnes à travers le Monde, comment peut-on croire que l’intention de cet homme d’Eglise était d'accorder reconnaissance et pouvoir ecclésiastique à un put*** de négationniste ???

Sérieusement, et là je m’emballe un peu, n’est-ce pas de la mauvaise foie caractérisée de la part de certains que de prétendre que le Pape puisse se porter garant de tels propos ? Et là nous tombons dans le second, l’énorme faux pas de le part du Vatican de ne pas s’être renseigné plus tôt sur cette polémique.

Et Benoît XVI de rectifier alors le tir en déclarant que "pour être admis aux fonctions épiscopales dans l'Eglise, Mgr Williamson devra prendre ses distances d'une manière absolument sans équivoque et publique par rapport à ses positions concernant la Shoah".

A nouveau je pense, et ce malgré les erreurs évidentes de forme et de diplomatie de la part du Vatican, que cette dernière assertion apparait évidente, et que toute personne qui élève la voix contre un Pape soi-disant négationniste ne cherche en réalité qu’à détourner l’Eglise de son objectif principal qui reste et demeure l’unité de ses fidèles.

Je ne m’attarderai pas sur la fâcheuse coïncidence qui a fait que l’interview de Mgr Williamson ait été diffusée en même temps que la décision du pape a été rendue publique, alors qu’elle avait été tournée depuis quatre mois…

Je pense que la polémique interne qui fait rage à l’heure actuelle n’a pas lieu d’être, et occulte le débat idéologique et théologique qui devrait s’amorcer pour le bien de l’Eglise et de tous ses fidèles.
Il est bien entendu, mais je préfère le répéter, que l’octroi de fonctions épiscopales à un négationniste n’est en aucun cas envisageable.
J’ajoute également qu’il serait urgent de la part du Vatican de repenser son mode de communication interne et externe pour éviter de telles incompréhensions à l’avenir.

Reste enfin la question de fond, concernant le processus de réintégration des lefebvristes, amorcée avec la levée de l'excommunication. Comment Mgr Williamson répondra-t-il à la nouvelle injonction du Pape ? Jusqu'à quel point les membres de la Fraternité sont-ils prêts à s'amender alors même que des divisions sont apparues en leur sein sur la stratégie à adopter après cette main tendue ?

Je souhaite et j’espère pour ma part que le débat s’engage et soit fécond. Que chacun des partis en présence se rende compte de l’importance excessive qu’a pris la façon de prier, lors que le simple fait d’adorer le même Dieu, de croire en la même sainte Trinité, en un Christ mort et ressuscité, devrait imposer une unité naturelle.

Après tout nous ne faisons tous que réciter le même Credo dans deux langues différentes, et communier au même corps dans deux positions différentes.

Scarf.

2 commentaires:

  1. Je suis assez d'accord avec toi sur le fond et je pense que l'on fait un procès d'intention probablement immérité au Pape.

    En revanche, cela n'aurait-il pas été mieux d'excommunier (ou de ne pas réintégrer) Mgr Williamson pour mettre fin à toute polémique?

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  2. C'est un point tres intéressant que tu souleves ici Choubi, elle meriterait que l'on s'y attarde, mais pas en commentaires !

    En deux mots, pour mettre fin au Schisme, ce qui est l'objectif, il est necessaire de réintégrer tous les membres de la FSSPX. En laissant de coté une parti de la "hiérachie d'Econe", le Vatican risque de donner naissance a un nouveau Schisme bien plus intégriste que le précédent. Parfois les effets de groupe atténuent les moeurs. (en meme tps j'aime croire en la beaute naturelle de l'Homme...)

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