mercredi 4 février 2009

L'économie en critique (part 1)


Le monde entier est frappé par la crise, aucune région ni aucun secteur ne semble épargner. Au milieu de ce tableau aux allures de catastrophe, un autre combat s’est installé, sur le terrain idéologique cette fois. On assiste aux retours des économistes sur le devant de la scène, chacun brandissant sa solution, remettant au gout du jour de vieilles théories ou y allant de sa propre invention pour faire face à une crise que l’on déclare déjà comme étant d’un nouveau genre.

Ce retour au débat d’idée en économie suscite, chez de nombreux observateurs, lecteurs ou commentateurs une question bien moins profonde mais tout aussi intéressante. Qu’est-ce que l’économie ? Qu’est un économiste et que fait-il ?

Internet est bien assez complet pour que je vous laisse y trouver une réponse à peu près correcte (mais à quoi sert cet article alors ?) et je voudrais me concentrer ici davantage sur la phase numéro 2 de la réflexion, à savoir la critique, ma préférée !

Cet article, comme son titre le laisse deviner, sera scindé en deux partiespour raisons de longueur et de clarté des propos. Il proposera deux grandes critiques que je souhaite formuler. Une fois encore ce sera de façon ultra décomplexé que j'exposerai mes idées, du haut de mon ignorance et du fond de mon lit, comme le veut la tradition de ce blog !

On se plait à imaginer l’économie comme une sphère intellectuelle si complexe et déconnectée des préoccupations réelles qu’elle n’en est plus digne d’aucun intérêt. On se plait encore à représenter de même l’économiste comme un marginal incompris des hommes, tiraillé entre génie et folie. Parfois se plait-on même à le décrire comme un parfait débile mental. Je vous renvoie ici à l’excellent blog économique éconoclaste, dont la rubrique blague offre une démonstration assez révélatrice de ce lieu commun.

Certains économistes, il est vrai, se plaisent à entretenir cette idée d’élitisme intellectuel, et ce afin de protéger leur profession et/ou apporter un quelconque crédit à certains de leur propos.
Alan Greenspan, président de la réserve fédérale pendant 18ans, élevé au statut d’ « Oracle de l’économie », puis récemment désavoué par les événements, disait lui-même en évoquant ses interventions devant le Sénat et les conférences de presse qui suivaient les comités de politique monétaire : « Si l’on m’a compris, c’est que je me suis mal exprimé ». (bon ok il le disait en anglais...)

Cette attitude mêlée de méfiance et d’incompréhension vis-à-vis de l’économie ne doit toutefois pas nous faire oublier ce qui constitue le cœur même de cette discipline, ce sans quoi il est inconcevable de l’imaginer. Je ne parle pas des mathématiques, simples outils au service d’une science – je ne résiste ici pas à l’envie de vous faire partager la définition de l’économiste donné par Jean-Marc Vittori dans son
Dictionnaire d’économie à l’usage des non-économistes.

« Economiste : chercheur aspirant vainement à la scientificité »

Je ne parle pas non plus d’argent, qui, bien qu’à l’origine de théories aussi importantes qu'intéressantes en économie n’en reste pas moins qu’un intermédiaire d’échange quasi-universellement acceptée et adoptée (bien que la monnaie soit actuellement source de conflit sino-américain, mais laissons de côté la macro internationale pour le moment…). L'argent est certes un moyen sans lequel, de nos jours, il serait difficile de concevoir le commerce, cependant je ne vous apprendrais rien en rapellant que l'economie a préexisté à toute idée d'argent.

Non, en effet c’est bien de l’Homme dont je parle.

C'est en effet à l'Homme et à l'Homme seul que s’intéresse finalement l’économie. Ce sont ses comportements qui en façonnent les hypothèses, et ses besoins qui en dictent les résultats. Parce que nous avons tous les mêmes besoins et tous les mêmes comportements (je serais prudent sur ce dernier point cependant on peut l‘accepter dans un premier temps en incluant sous l’acception «comportement» les phénomènes de vie en Société et les clivages emploi/ressource et consommation/épargne), nous sommes tous plus ou moins économistes, chacun à notre échelle (disons micro économistes).

Ainsi l’économie ne devrait pas se cacher derrière un voile de mystères et de formules magiques. Elle doit être claire et limpide. Peut-on expliquer à l’homme de lettre qu’il ne peut lire Molière ? Peut-on accepter qu’un musicien ne puisse écouter Mozart ? De même peut-on prétendre à un homme qu’il ne peut comprendre une théorie dont il fait l’objet ?
Certains diront peut-être que de même tous les hommes ne sont pas philosophes ni sociologues, et que l’on n’en fait pas un plat pour autant. D’autres diront qu’il ne faut pas confondre l’art et la science, car l’art doit s’adresser à tous et pouvoir être apprécié de tous lors que la science doit être l’apanage d’une élite, pour l’élite et par l’élite. Foutaise.

Mais pensez donc à cela : La philosophie, la sociologie, s’imposent-t-elle à chacun au quotidien ? Souffrent-ont de leur ignorance ? (tout comme la religion, le fait de prétendre ne pas souffrir de son ignorance n’équivaut en aucun cas à prétendre qu’elle ne peut pas participer à un bonheur ou bien-être supérieur). Bien entendu non.

Pensez maintenant à l’économie, l’étude de l’allocation des ressources qui apportent la plus grande satisfaction… aux hommes. Peut-on imaginer qu’elle en fasse abstraction ?

Dans n’importe quelle Société ou les hommes interagissent entre eux tout en étant régis par une instance dite « publique », l’économie est la pierre de voute de tout système de répartition, d’allocation, de santé, de toute politique fiscale ou sociale dont vous et moi pouvons être victime ou bénéficiaire. Le fait de réserver cette science à certains et d’en interdire ne serait-ce qu’une compréhension élémentaire aux acteurs du système qu’elle engendre ne me semble pas d’une efficacité à toute épreuve.

Peut-on vraiment imaginer une matière qui étudie les comportements des hommes sans pouvoir être comprises de l’esprit de ces mêmes hommes ? Une science qui va impacter directement le quotidien de tous sans la rendre un minimum lisible ?

Réjouissez-vous donc, car ce que l’on essaye de vous faire croire est faux. S’il est vrai que comme toute science, il faut des experts capable d’en manipuler les outils et concepts mieux que d’autres, il reste vraie et même fondamentale que l’économie est et doit rester à portée de tous.

Il en va de sa crédibilité.

Certes l’on se moque bien de la crédibilité d’une théorie philosophique ou théologique, mais lorsqu’il s’agit de faire passer dans un pays des mesures de restrictions budgétaires ou, plus à la mode en ce moment, de creuser la dette nationale d’un pays, la crédibilité et la transparence semblent de mise. Elles sont en outre bien plus efficaces que le voile intellectuel et opaque qui plane le plus souvent au dessus de cette discipline.

Je parle de pays, mais ce raisonnement reste vrai quelque soit l’échelle à laquelle nous l’appliquons. Régions, pays, villes, entreprise, familles présentent chaque jour des situations dans lesquelles des décisions économiques, sous leur plus large acception, doivent être prises, et donc comprises. Seules la qualité et la proportion d’experts seront amenées à distinguer ces différentes structures. Gouvernements, conseils municipaux, conseils d’administration, parents… chacun des éléments de la chaine de décision fait sans cesse appelle à l’économie et à ses concepts pour parvenir à une allocation optimale des ressources disponibles.

Ainsi donc est formulée la première critique que modestement je souhaitais adresser à une discipline qui continue chaque jour à m’offrir de quoi éveiller mon intérêt. Economistes, cessez d’être grands par le verbe, talentueux par la forme et mystérieux sur le fond. Descendez de votre piédestal et acceptez d’être lu, compris et utilisé par le plus simple des néophytes. L’économie est certes une science, mais c’est avant tout l’histoire d’un homme ou d’un groupe d’hommes qui décide(nt) (ensemble) d’allouer des ressources au bénéfice d’un bien-être collectif et/ou individuel.

La critique est certes facile, et tant mieux !

Mais une critique argumentée et constructive est toujours plus crédible et mieux acceptée, c’est pourquoi je souhaite finir cette première partie sur quelques conseils sans prétention pour celui ou celle qui désire se familiariser avec la science économique.
En premier lieu je ne vous apprends rien en vous disant qu’un nombre incalculable de sites et de blogs fleurissent à ce sujet. Je vous invite donc à surfer sans limites, et du bout de ma lorgnette vous conseille tout de même deux ou trois excellentes adresses
, et .

Le Monde a la chance d’avoir connu en cette année mouvementée un prix Nobel d’économie d’une qualité exceptionnelle car largement accessible. Bien qu’ayant souvent la dent dure avec ses « opposants », ce qui n’est pas pour me déplaire, Paul Krugman a l’art et la manière de rendre son propos clair et accessible, sans pour autant tomber dans la vulgarisation excessive. Il a fait de cette clarté et de cette apparente simplicité une exigence dans n’importe laquelle de ces interventions et n’importe lequel de ces ouvrages et multiples articles depuis le milieu des années 90.

En attendant donc de poster un article de fond sur ces idées (pour une fois que je comprends un économiste…), je vous conseille vivement de vous balader sur son excellent blog, et de lire certains de ces ouvrages, notamment cet excellent recueil d’articles qui rendrait désuète ma première critique : La mondialisation n’est pas coupable. A consommer sans modération pour quiconque souhaite acquérir des connaissances de base en économie internationale, et l’occasion pour chacun de pouvoir déclarer un jour « J’ai lu un prix Nobel d’économie » (et même compris deux trois trucs).

Moins connu, plus français (faut bien faire notre promo un peu), et dans la série accessible, brillant et intéressant je vous conseille enfin de jeter un œil du coté du CEPREMAP et de leurs opuscules régulièrement publiés aux éditions de la rue d’Ulm. Ils vous offriront en à peine deux heures une vision claire et objective de sujets économiques de société sur lesquels chacun de nous devrait un jour pouvoir prétendre connaitre les bases. (voir spécialement La Société de Défiance de Pierre Cahuc, et Pour un nouveau Systeme de Retraite de Thomas Piketty).

Enfin n'hésitez pas profiter d'un moment d'actu économique alité en écoutant l'économie en questions le lundi matin a 11h sur France Culture. Vous reposerez ainsi vos yeux et apprendrez beaucoup des invités de Caroline Broué et d'Olivier Pastré. Ce dernier, s'il risque de vous endormir par sa voix, vous offrira toutefois un bon moment lors de sa traditionnelle rubrique de fin d'émission.


Bonne lecture, et surtout bonne critique !


Scarf.

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